Allusion à l'Extrême-Asie

Mot Khot

Quelques touffes de bambous suffisent à cacher cette pagode. On n'en soupçonne même pas la porte basse, ouverte sur un couloir poisseux, puis sur une cour un peu triste, bordée de planches. Derrière, en des réduits, s'entassent les dieux. Comme des algues dans les eaux dormantes ils transparaissent sous le demi-jour épaissi d'encens. Quelques reflets d'or s'accrochent à la pénombre ; un bras, un torse à la vacillante clarté d'un cierge transluisent. Pour apaiser les âmes errantes un vieillard récite d'interminables litanies, tandis qu'une femme pose des fruits et deux bouquets de fleurs sur un autel.

Tout est un peu triste ici, un peu sordide. Les dieux et les hommes y vivent chichement. Les bonzes aux robes brunes si délavées qu'elles en sont roses ne possèdent que deux chambrettes obscures comme des caves. Pour tout mobilier, deux grabats. Ici les dieux et les hommes ne sont que des accessoires. Seule compte leur méditation et je ne sais quelle harmonie du monde qu'elle a pour mission de percevoir et d'entretenir. Seul compte dans la Pagode son jardin clos. Il exprime cette méditation, il Est cette méditation.

Ce jardin, point besoin d'en connaître les symboles pour en subir le charme. Ce jardin, sous le ciel épais, dans une lumière grise qui en avive légèrement les colorations, il envoûte. Des balustres verts entourent la vasque d'eau morte. Des arbres nains, des plantes grasses emplissent des vases vernissés. Jardin de porcelaine et de pierre plutôt que végétal, expressif d'une civilisation exagérée, tout entier il s'ordonne autour d'un minuscule pagodon dressé sur un pilier tel un lotus sur sa tige.

Les dieux et les hommes s'agitent ; les cieux et la terre retentissent de leurs combats. Le sage perçoit dans cet enclos cerné de bambous, au-delà de tant d'existences misérables, ordonnée à ce jardin de pierres et de porcelaines, l'harmonie des sphères.