Épître aux Serge Sassa

Août 1966

0 Muse, donnes moi le ton de l'épopée pour de tous les Kékés décrire l'équipée.

Il pleuvait, on était vaincu par ces torrents. Pourtant après Moulin, les chers itinérants parcourant la Bourgogne et ses amples vignobles avançaient sans soucis par une route ignoble. Quand éclata vers les approches de Macon un bruit qui leur fit dire : Oh là là que c'est con. Le radiateur, hélas, était rempli de tartre et, fait navrant et dur comme un roman de Sartre, un détartrant avait achevé les dégâts.

Il ne leur resta plus alors, les pauvres gars qu'à profiter du plan incliné vers Macon pour gagner un garage au garagiste blond qui leur diagnostiqua la triste maladie

de Borgnolette, hélas, par les ans affadie :

"Le radiateur, il faut le changer sur le champs."

Alors tous les Kékés, assis, le front penchant, attendirent pleurant que notre garagiste leur permis, réparée, de reprendre la piste.

Le soir tomba plus tôt sous les nuages obscurs. A Genève déjà le jour était impur.

A Sallanche, la nuit toute sombre régnait, tandis que le déluge encore redoublait.

Georges à Saint-Gervais pensait qu'en une auberge dont l'enseigne alléchante à cet instant émerge on passerait la nuit. « Allons donc, allons donc dit Nicole, jamais Guyot ne renonçons. Fonçons dans cette nuit et tentons l'aventure. Qu'importe ce déluge à l'épaisse tenture. »

Alors en s'arrêtant à chaque carrefour, par des chemins plus noirs que derrière de four, on avance, on descend, on patauge, on dérive. Les plaintes du mari sont de plus en plus vives. « Retournons à l'auberge ou nous allons périr. Demain il fera jour et nous irons quérir le chalet que Sassa nous prête avec son Serge

- c'est le chalet qu'elle nous prête, pas le Serge — Retournons, retournons, retournons à l'auberge. » Une heure ainsi passa. Une autre heure passa, mais on ne trouvait pas le chalet de Sassa.

Puis à l'avis de Georges il fallut se ranger et dans un bon hôtel s'en aller s'héberger. La nuit fut douce et le réveil ensoleillé, une tendre vapeur montait des champs mouillés et trouver le chalet devint chose facile.

Maintenant, il me faut les charmes de l'idylle pour décrire tous les Kékés émerveillés.

De nuages, les monts ne sont plus endeuillés. 0 Titire, c'est l'heure où dorment les bergers. Midi sous le chalet où nous sommes logés, baigne de sa splendeur la vallée ample et mauve. Le vieillard à Mentas dont les brebis se sauvent, oui les rouges brebis de son téléphérique nous a transmis un message télégraphique nous annonçant Gérard et notre Béatrice.

Je suis heureux, heureux, heureux comme une actrice un soir de grand succès, car moi le pantalon, près des noces d'argent, moi le pantalon long je l'ai porté. Je passe à Nico le calame car elle vous dira dans un style de flamme que nous sommes heureux et vous remercions d'un hymne aussi fervent que les chants de Sion.