Méditation pour le jour des morts
2 novembre 1926
La mer tranquille y dort sur mes tombeaux
Paul Valéry
Les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend.
Arthur Rimbaud
O combien plus heureux que dans les cimetières,
où les morts entassés, dans de glacials tombeaux
pourrissent étouffés sous leur dalle de pierre,
sont les noyés perdus qui dorment sous les eaux...
La mer douce les porte au repli de ses vagues,
avec les poissons d'or aux yeux incandescents,
et dans les courants chauds, radieux, ils divaguent
s'abandonnant au flux qui chante en les berçant.
Ils savent les secrets des bleuités ; leur âme
s'élargit et respire aux souffles alizés...
La mer leur verse son voluptueux diaphane,
ils dorment pour toujours un sommeil apaisé ;
Les flots croulant, grondant, les vagues furieuses,
monstres échevelés s'accouplant dans la nuit,
ne peuvent réveiller leur sommeil, et joyeuse
leur âme au fond des eaux, comme une étoile, luit.
Ils dorment, loin du signe éternel, mais macabre
des croix noires, tendant leurs bras suppliciés,
et Dieu seul sait combien le nom des morts aux faces glabres
qui jonchent l'océan de leurs corps émaciés.
O ! Combien plus heureux que dans les cimetières
où les morts entassés dans de glacials tombeaux,
grelottent étouffés sous leurs dalles de pierre
sont les noyés perdus qui dorment sous les eaux...